Souvenirs glacés

Orùn avançait à grand pas, la neige tombait avec force depuis plusieurs heures et parmi les flocons, tels les rayons d’hiver du soleil d’un ciel brouillé, il se sentait plus las que jamais. La nuée blanche le glaçait jusqu’aux os, le vent froid et sec n’arrivant tout de même pas à interrompre le fil de ses pensées. Puis il se figea, restant immobile sous le tumulte des glaces. Une jeune fille reposait au pied d’un arbre, les yeux fermés, se laissant soustraire au monde réel. Une jeune fille aux cheveux d’un noir de jais, Aussi blanche que neige, et froide tout ainsi.
Le démon s’en approcha, et doucement posa la main sur son front. Aucune réaction ne prit place sur le visage de la jeune femme inconsciente. Détachant sa cape, il la posa délicatement sur ses épaules, aussi glacées que l’éternel. Puis il s’assit non loin de là.

Orùn ne réagit pas lorsque la jeune fille au teint clair se leva, affaiblie dans le blizzard.
Elle se redressa puis s’affaissât prés de lui.
Debout, les yeux vides et fixés sur la jeune femme retombée à ses pieds.
Ses cheveux noirs, fourbis par la glace tombante qui versait sur son corps un trésor enneigé de diamants éphémères.
Il la regarda durant quelques instants puis, lentement, se mit à genoux.
Une de ses mains gantées glissa sur le dos de la jeune femme, il la souleva et se remit à marcher.
Elle était légère, comme la neige, mais il voyait bien qu’elle était entraînée au combat.
Il ne savait quel mystère se dégageait de cet être qui lui semblait délicat.
Un pas après l’autre il avançait dans la neige, doucement, serrant contre lui le corps froid de la jeune femme.

Il avançait. Ils avançaient plutôt. La neige tombait fortement et chaque pas se faisait plus difficile.
Orùn avançait tout de même, luttant, intérieurement comme toujours.
Aucune réaction ne prenait place sur son visage, c’était la règle d’or.
Les flocons étaient épais, le vent glacial fouettait le corps du démon, tandis qu’il resserrait son étreinte.
La jeune fille semblait s’être réveillée, ce qui ne dérangea nullement le jeune homme.
Cette île enneigée, il la connaissait, et mieux que quiconque.
La légèreté de la jeune inconnue le frappait à chaque pas, tout son être était si pale, ses doigts d’ivoire semblaient si fragiles …
Il ne lâcha qu’un soupir, ils étaient presque arrivés.

[ HRP :" mais la jeune fille ne se plaignati pas ..." Laule. Vive la france ]

La jeune fille, visiblement réveillée, prononça quelques mots.
Elle demandait juste où le démon l’emmenait.
Orùn se stoppa dans la neige. Il venait de se rendre compte qu’il ne savait pas où emmener cette jeune femme, il ne savait pas qui elle était.
Déesse déchue des glaces ou inconnue aventurée trop loin ?
Il la reposa, le plus délicatement possible. Ses jambes tremblaient sur la neige aussi Orùn l’invita à s’asseoir en face de lui.
Le vent lui battait le dos mais il était assez grand pour que la neige et le froid ne dérangent pas cette jeune femme au regard si ténébreux.
Quelques instants passèrent.

« Que faisait tu ici ? »

La jeune fille devant lui, affaiblie mais noble. Une douleur fascinante, un plaisir majestueux mais mortel.

Orùn ne sut que répondre. Que faisait il ici ? Qu’étais t-il venu chercher dans l’îlot de neige.
Sa tristesse était montée, comme l’eau de la mer lors de la marée. Il était brusquement parti, s’était mis en route sans réfléchir et ses pas l’avaient guidé ici.

« Je viens souvent ici, j’aime perdre mon regard dans ce désert de glace. C’est magnifique n’est ce pas ? »

Il répondit, fixant toujours la jeune âme de son regard ténébreux.

Le jeune homme inspira longuement.
Sa grande silhouette formait toujours un mur devant la jeune guerriére affaiblie et la tempête de neige lui battait ardemment le dos. Insensible à cette plainte glacée, il planta son regard dans les yeux de celle qui lui faisait face.

" Mon nom est Kaname ".

Un court silence prit place, durant lequel un autre regard, une lueur dansait dans les yeux de la jeune femme, un éclat de lune, le ballet des flocons qui, déchaînés, s'emmellaient sans cesse dans le ciel.

" Et toi, qui es tu ? "

Il ne lui avait pas dit qu'il était un démon. Il n'avait absolument pas peur de cette âme, gisant à moitié dans la neige en face de lui, mais il avait l'habitude de ne pas prendre de risques inutiles. Elle portait un kimono d'entraînement, et les humains méprisant les démons étaient de plus en plus nombreux.

Orùn fixait toujours la jeune fille.
Elle lui répondit s'appeller Tigra, il ne cilla pas. Elle semblait ailleurs. Ses yeux étaient embués, son regard vague et fixe à la fois dans lequel la neige froide, aussi froide que son coeur lui même, se reflétait telle une offrande d'argent.
La jeune fille se leva, fréle et petite face au désert de glace. Elle s'approcha du lac gelé qui leur faisait front. Tigra jeta un rapide coup d'oeil au démon et se mit à déanbuler sur la glace.

Elle était assez épaisse pour supporter son poids, mais pour combien de pas ? Orùn savait qu'elle se mettait en danger. Mais il savait aussi que le gel ne tiendrait pas si il se mettait à marcher lui aussi sur le lac. Il resta donc assi en tailleur, à regarder la jeune femme qui s'éloignait, ignorant les craquement menaçant, tel un fantôme de l'hiver. Elle semblait dans son élement.

Orùn, toujours assi sur le sol, regarda sans un mot la jeune femme se mouvoir sur la glace. Elle avançait lentement, incertaine, vers l'autre rive glacée. Sa danse funébre, que seule éclairait la lune à travers les nuages aussi purs que la neige s'effacait progressivement. Orùn savait que la glace tiendrait bon.

* Kiéh , qu'elle s'en aille. Elle est bléssée, par ce froid elle ne tiendra pas deux heures avant de mourir *

Mais une partie de lui ne voulait pas laisser Tigra partir. L'idée même de voir ces cheveux d'ébéne fondre comme la glace, sur la glace, lui était impossible.

Il se leva précipitamment, la silhouette de la jeune femme disparaissait dans le brouillard. Elle avait atteint l'autre rive. Que faire à présent ? Courir, traverser le lac gelé pour la rejoindre ? La prendre dans ses bras et l'ammenner à Shambala ? Chercher du secours ? Où continuer sa route solitaire et laisser cette beauté glacée mourir ?

Le jeune homme resta quelques instants de plus debout, fixant la jeune fille de son regard perçant. La neige tombait dru et les flocons cachaient pour quelques secondes la fine silouhette qui lui faisait face, sur l'autre rive.

Ainsi éloignés, leurs yeux jouaient à se chercher en vain. Orùn leva la tête et regarda le ciel blanc, gris, ces nuages lourds, annonciateurs d'une nuit encore plus glaciale. Ele ne survivrait pas. Il continuerait à vivre. Est-ce ainsi que les humains prennent la vie ? A cette pensée le démon eut un frisson de dégout. Il fronça les sourcils, baissa la tête et avança sa main. Il ferma les yeux, se concentrant puis, d'un élan qui n'avait rien de naturel il se mit à courir, voler presque à ras de la glace. Les quelques secondes qui prit sa traversée lui parurent une éternité. Il arriva sur l'autre rive gelée et se stabilisa. Derriére lui la glace nue craqua brusquement, se fendit par le milieu et les deux blocs de glace l'un en face de l'autre sombrérent dans l'abîme ténébreuse. Orùn ne jetta pas un regard aux géants de glace. Il était captivé par la funeste danse que la jeune fille executait, entre les arbres.